Enfin, çà, c’était avant d’essayer… D’abord, il faut choper l’animal. Et c’est con, un mouton ! Belle tautologie, je sais. Ça fait trois fois le tour de l’enclos, et recommence en espérant trouver une faille dans la barrière cette quatrième fois. Ça fonce dans ses copains, les soulève d’un coup de tête et se planque dessous, certain qu’on ne verra pas son arrière-train qui dépasse. Ça te regarde apeuré en bêlant, pensant que toi aussi tu parles mouton et que tu vas l’épargner. Quand Félix en met un à terre, ça paraît tellement facile. Hop ! Petite torsion du cou… et Boum ! On pousse le cul vers le sol. Two fingers in the nose, quoi !
Mais toi, quand ton tour vient, il faut d’abord que tu immobilises l’une des bêtes sans que la horde fasse des cercles incessants autour de ta petite personne. Ça y est ? Ok, maintenant, torsion de la tête… J’ai dit torsion, pas soulèvement. Non, dans l’autre sens. Avec la main sur la bouche, c’est plus facile. Mais non, ça mord pas un mouton. Ok, ça peut baver mais ça y est, t’y es. Pousse les fesses vers le sol. Plus fort. Bien… Et maintenant ? Maintenant qu’il est assis, tu le tires par les pattes avant. C’est lourd ? Oh dans les 60 kilos…
Voilà, vous avez l’action. Il vous manque l’environnement : une grange en bois sans courant d’air qui absorbe et amplifie les 35 degrés extérieurs. Vous transpirez ? C’est que vous y êtes…
Maintenant, il faut tondre l’animal. Félix est grand et fin. Maigre, non ! Il est musclé et affûté comme un rasoir. Il faut dire que son métier c’est ni plus ni moins le meilleur coach sportif. Chaque muscle sert à tenir la bête immobile. Un mouton qui bouge, c’est un mouton qu’on risque de couper. C’est mauvais pour lui et c’est mauvais pour la laine. Supporté au niveau du ventre par une bride montée sur ressort, le shearer commence alors sa danse. Dans un autre lieu, on jurerait qu’il pratique la capoeira. Ses jambes tournent autour du mouton, tandis que sa main gauche tient pattes ou tête et que sa main droite la tondeuse électrique. Celle-ci s’engouffre sous l’épaisse laine, frôle la peau rosée et fait petit à petit le tour de l’animal. Détachant la fourrure en un morceau, comme les enfants le font parfois avec la peau des clémentines. Encore une fois, on reste scotché devant l’apparente facilité de la manœuvre.
Deux minutes de pratique suffisent à nous démontrer qu’on s’est fourvoyé. Deux petites minutes, et jambes et dos sont déjà endoloris par les contorsions nécessaires à bloquer le mouton. Deux petites minutes, la tondeuse à la main, durant lesquels on sue à grosses gouttes, effrayé à l’idée de blesser le pauvre être entre nos mains (qui franchement n’a rien demandé… surtout pas à servir de cobaye !). Deux longues minutes en fait, où notre cerveau tente de discerner à l’aveuglette une différence de texture entre peau et laine. Deux minutes après lesquelles on observe Félix avec respect, la main encore tremblante. Lui, il lui aura fallu 3 ans de formation et dieu sait combien d’années d’expérience pour en arriver là. Aujourd’hui, la dextérité de Félix est bien connue des éleveurs australiens.
Delphine Russeil
Commentaires
lateteenbas le 01-12-2009 à 05:50:40 (site)
En tant que bons journalistes, nous savons aussi reconnaitre nos erreurs. C'est pourquoi nous nous excusons d'avance pour les fausses informations qui se sont glissees dans l'article du shearer. Apres un retour sur le sujet avec Judith, nous avons decouvert que Mike - avec ses racines marseillaises sans doute - nous avait raconte des cracks ! Apparemment donc, shearer est un boulot difficile... et pas si bien paye !!! Un mouton rapporte en fait entre 3 et 5 dollars au shearer. On est loin des 3 000 annonces dans le papier... Il semble aussi que Felix passe aussi toute son annee en Australie. On aura au moins retenu un truc : ne pas prendre pour argent comptant tout ce que dit Mike... et verifier aupres de Judith !!!
liréo le 24-11-2009 à 08:31:55
Trop marrant les loulous!!!
Mamounette Busterjo le 22-11-2009 à 10:45:55
Tout ça me rappelle des souvenirs = j'ai participé activement à la tonte des moutons dans l'Allier chez les parents d'une copine (Christine Sauvage) à côté de Jaligny lieu dit Le Charnet.... J'étais étudiante (de 76 à 80) et la tonte, c'est DURRRRRRR !!! croyez-moi
Alors, j'apprécie d'autant plus votre article , MERCI
La Fanchon du Courtil le 22-11-2009 à 08:01:07 (site)
On voyage peinard avec vous!
Ni trop chaud, ni trop froid!
Juste un peu de nostalgie!