Cinq cents mètres suffisent à voir disparaître les maisons alentours, comme si, d’un coup, la zone devenait invivable. On se retrouve seul, face à une étendue de buissons qui ne fait que grandir et à une route qui semble se dérouler sans fin. Un nœud dans l’estomac. Le stress du vide sans doute. Qu’on le veuille ou non, la vie moderne a su gaver notre nerf optique de stimuli… au point que les immensités nous paraissent irréelles. Comme essayer de se représenter l’infini, le premier face-à-face avec le désert donne littéralement le vertige.
Nous, petits occidentaux habitués au confort de nos apparts ou maisons, nous demandons encore comment des gens peuvent habiter là ! Il n’y rien. Où que vous regardiez vous ne voyez que des monticules de terres de plusieurs mètres de hauteur au milieu d’une immensité désertique, dans laquelle tentent, tant bien que mal, de survivre quelques frêles arbrisseaux. Et pourtant dans ce milieu hostile vivent des gens normaux (deux bras, deux jambes, une tête, tout quoi !). Mais comment font-ils ?
La ville d’Alice Springs, à mi-chemin entre Adélaïde et Darwin, a été notre première vraie rencontre avec les Aborigènes. Un face-à-face plus qu’une rencontre, devrais-je dire. Car, aussi choquant que cela puisse paraître, il existe deux Alices : celle des Blancs et celle des Noirs. Deux mondes qui se superposent dans les rues, mais sans vraiment se croiser, comme situées dans deux dimensions différentes.
A l’origine, le peuple Aborigène est nomade. Formées de chasseurs-cueilleurs, les tribus traversaient tout le territoire australien à la recherche de nourriture et de points d’eau. Loin des « sauvages » décrits par les colons britanniques, les Abos ont développé il y a des milliers d’années [ils occupent l’Australie depuis 10 000 ans] un système social très complexe. Le T…, loi suprême, régit tous les aspects de la vie. Dont la première et la plus essentielle des règles est de préserver l’environnement tel qu’il a toujours été. Ce respect pour la « terre nourricière » va jusqu’à lui demander par la pensée avant de s’asseoir sur le sol.
L’histoire en est restée là mais elle démontre à quel point on se méfie de ses voisins en Australie. De plus, les médias et la police encouragent les gens à espionner ceux qui les entourent. A grand renfort de spots publicitaires, on demande aux citoyens de vérifier si leur voisin n’a pas un comportement étrange et, si tel est le cas, de contacter le numéro vert indiqué. Un numéro anti-crime bien sûr…